Fermeture des frontières

Fermeture des frontières, et mon avenir devient claustrophobe.

Je ne peux pas repartir d'où je viens, car – pas de travail. Je ne peux pas rester ici, non plus, car si mon visa est renouvelable, pendant un, deux, trois ans, lorsque je serai bien installé, bien habitué, en mesure peut-être de trouver du travail, il me faudra repartir – plus clairement, mon visa m'interdit non seulement de travailler ici, mais aussi d'obtenir un visa de travail.

Et mon cas impossible, singulier, rejoint la série d'autres cas, souvent pires, pays sur liste noire, visa expiré. Alors,pour le dîner, à deux, en groupe, entre amis, dans les couloirs -  la casuistique. Les délibérations. Les questions sans issues (chaque cas est différent). Les récits fondateurs ; cette universitaire d'Europe de l'Est qui est restée clandestinement, sans rien dire à personne, lorsque son visa a expiré, et puis qui a réussi à régulariser sa situation, quatorze ans plus tard. Oui mais – tous les récits fondateurs s'achèvent de la même manière : oui mais, c'était avant le 11 septembre. Oui mais, reprend la casuistique, comment compter, comment ne pas compter, sur les exceptions ? Et puis tout ce qu'on ignore, et puis tout ce qu'ignorent les gens qui nous renseignent – “il y a toujours un moyen”- et puis Barack a un bon fond, sûrement les lois vont changer, et s'ils légalisaient le mariage – oui mais, dans ce cas il faudrait que la France le légalise aussi.

“Il faut bien savoir, dit une fille dans mon bureau, que la plupart des gens sont pas prêts à partir à l'autre bout du monde.”

La phrase me rend perplexe. Il me semble que la plupart des gens ne demanderaient que ça, partir à l'autre bout du monde – et y rester, en revenir, avoir le choix, le choix simple et triste.

PS : Et le premier qui pense, "Ah, ces Américains", je l'invite à se renseigner sur la manière dont sont traités en France les gens qui n'ont pas de passeport européen.