Naturisme
Sur le causse, il y a toujours des sentiers dans les bois. Pas vraiment des sentiers, plutôt des pistes, des traces de passage, non pas d’hommes mais d’animaux, à voir comment elles sinuent, passent sous des branches basses, se perdent dans les taillis ou disparaissent tout simplement. Je les parcours pendant des heures en me baissant pour passer sous les branches pendant que des dizaines de toiles d’araignées viennent se coller sur mon visage.
Toujours, on retombe sur les murets. Des kilomètres inlassables de murets sur le causse, cachés sous les arbres, recouverts par le lierre et la mousse. Ils étaient faits de main d’homme – de femmes et d’enfants, plutôt – pour sortir les pierres des champs et tracer les parcelles. Cette forêt que je traverse, où à ma connaissance personne ne mets jamais les pieds, en réalité depuis combien de temps existe-t-elle ? Quel âge ont ces chênes ? Trente, soixante ans ?
Donc, il y a 100 ans, jour pour jour, le 21 juin, là où je me trouve, des genêts jusqu’aux épaules, sur l’épine du causse d’où je vois s’envoler les faucons – il y a cent ans : un champ, de blé ou de seigle, et la moisson : des dizaines de gens, du bruit, des paroles – rien de sauvage, rien d’intime.
Sur le causse, la nature est relative. Tout comme est relative notre propre nature. « A la mort de son mari, une Londonienne se prétendit surprise de découvrir que son compagnon depuis 21 ans était une femme », peut-on lire dans le volume « XIXème siècle » de L’Histoire des Femmes.