Grosse colère
Si, il y a de quoi être fier. Faut-il encore parler de Stonewall ? Cherchez dans google, j’ai pas le temps. Faut-il parler des morts, des tabassés, des brûlés ? Il y a vingt ans, on pensait que ça serait dur (on pensait même, parfois, que ce serait impossible). Et en fait, non, pour pas mal d’entre nous, ça a pas été aussi horrible, ça va même bien. Pourquoi, d’après vous ? Est-ce que ça s’est produit tout seul, comme ça, par intervention divine ? Est-ce qu’il n’y a pas des gens qui se sont donnés du mal pour ça ? Et vous pensez que c’est fini, et que maintenant on n’a plus besoin d’eux, ces vieilles caricatures de militants dépassés ?
J’appartiens à une communauté. Vous appartenez à une communauté, avec une histoire, une culture, des codes de reconnaissance, des esthétiques, des obsessions. Ça ne vous engage à RIEN. Ça vous protège, tout simplement. Allez ou n’allez pas à la Gaypride, traînez ou ne traînez pas dans le milieu, faites ou ne faites pas de coming out, faites de votre mieux ; vivez votre vie, soyez discrets, soyez solitaires, tant que vous voulez. Mais cessez d’aller répéter partout que vous n’êtes pas fiers, qu’il n’y a pas de quoi être fiers. Rendez-vous compte, rendez-vous compte de ce que vous dites, et mesurez l’absurdité cruelle de phrases comme « ma vie privée ne regarde que moi, je ne vais pas étaler ma sexualité » ; ou « qu’est-ce que je suis content de pas ressembler à une caricature de gouine, de pédé, je ne suis pas une folle, je ne suis pas une camioneuse » ; ou bien « moi j’ai toujours vécu ma vie librement, à l’écart du troupeau, le milieu c’est pas mon truc ».
Le milieu, c’est vous. Et quand les hétéros auront peur de ressembler à des caricatures d’hétéros, alors là, peut-être, on pourra discuter, là, peut-être on pourra parler de la fin de l’histoire, dissoudre les communautés, remballer l’arc-en-ciel. Là, peut-être.